samedi

Leurres divers





Ce froid glacial a quelque chose de salutaire. Ou n’est-ce pas plutôt l’alternance des extrêmes qui m’attire ? Quand on pénètre dans le sauna on est agréablement enveloppé de chaleur. Le temps passe. Puis, vient le moment, différent pour chacun, où ça devient insupportable, et on se précipite dans l’eau qui est tout aussi brûlante d’une autre façon.

Après, on passe à la piscine chauffée à l’extérieur de l’enceinte du centre. Là, le corps baigne dans une tiédeur bénigne, tandis que la tête fourmille au contact de l’air vif de la montagne, et on sent la neige des lointaines cimes dans nos narines.

Je ne sais point d’où je viens. Est-ce important, puisque je suis ici ? J’essuie ici, et je n’ai pas encore senti la morsure d’hameçon qui m’étirera sur ma prochaine quête.

Trêve, grève, point de suspens… le temps d’être moi, et de vous raconter encore un bout de ce songe qui me tiraille tant.

Comme dans la plupart de mes rêves - je ne sais pas si ça vaut pour tout le monde – il fait pénombre. Crépuscule ou aube sombre ? En tout cas, entre deux. Sans soleil ni lune.

L’autre détail qui le caractérise, ce passage onirique dont il est question, est la confusion qui y règne. Une confusion monstre. Je ne voudrais pas vous mentir, je ne peux pas dire avec certitude que la confusion y est, elle est peut-être uniquement dans l’esprit qui essaie de le comprendre, qui essaie de s’en souvenir.

Des images qui s’imposaient avec tellement de force il y a un instant il ne me reste rien. Où sont-elles passées ? Tout ce qui me reste de ce rêve qui devait, je l’espérais, m’occuper un peu l’esprit est une grisaille non discontinue.

Ils vont bientôt fermer pour la nuit, on distingue à peine les sommets enneigés maintenant, et autour de moi, et en moi, rien de plus pétillant qu’une brume monotone.

Je m’en veux. C’aurait été un moment idéal pour penser à des choses époustouflantes de beauté, ou à d’autres qui coupent le souffle de par l’étrange fascination qu’elles exercent. Mais non. Je gâche mes dernières minutes si précieuses à éprouver en échec ma tentative de me souvenir de ce qui paraissait être d’une signification absolument vitale naguère – il y a si peu de temps, en fait.

J’avais noté les points qui me paraissaient les plus importants, sur le moment, au réveil, mais évidemment, un carnet intime, ça ne se trimballe pas dans des bains municipaux, furent-ils en haute Autriche.

On triche. On fait l’autruche. Alors que je devais être en proie à une extase intérieure, transporté par la joie de la redécouverte, de la contemplation d’un sublime revisité, je suis réduite à jouer avec un code frustre qu’aucune lustre n’illumine !

Ping !

Ils ont allumé les lampadaires autour du parc. C’en est vraiment trop, quel gâchis ! Les blancheurs de la majestueuse chaîne tyrolienne deviennent blafardes à côté de l’orange minable dans du plastique de poteaux certes pratiques mais nullement esthétiques.

Sous l’effet délétère de ces maudits réverbères les visages de mes thalasso-confrères prennent des airs cadavériques. Le pire, c’est que je sais que je dois avoir à peu près la même tronche.

L’âme est timide, et j’évite de regarder mon image sur la surface de l’eau, tout y est surmoi, sournois, exagéré.

On n’y voit pas ce paysage fragmenté par des lambeaux de brouillard épais que j’essaie de colorier avec mes crayons, auquel je tâche de donner du relief, bref ; qui me nargue et qui me hante, qui se montre par à coups et qui me tente, qui me torture et qui perdure envers et contre toutes leurs indications…

Et d’un coup je me vois !

Inspiration suprême, tarte pour ma crème, au milieu de ma perspective indécise, en train d’être englouti par moi-même telle une statue de glace qui fond tout doucement sans laisser de traces… autres que les brins d’herbe qui vont y pousser à l’heure d’été.

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