Vita texte

mardi

Cinq lui-même



Un reste de mur avec la moitié d’une fenêtre cassée, quelques fauteuils, sur une vaste plaine, la nuit. Sur le reste de mur il y a un très beau tableau de ce reste de mur quand il était intact, en plein soleil de midi. Un buffet avec un vase.

Personnages :

1 Homme (beau, vif).

2 Homme (moyen, moyen).

3 Femme mûre

4 Jeune femme

5 Jeune personne (homme féminin ou femme masculine)


1 est seul et regarde par le reste de fenêtre ; il y a peut-être une étoile. 2 et 3 arrivent sans faire de bruit, restent au seuil de la « pièce », le temps que 1 s’aperçoit de leur présence. 3 porte un bouquet de tulipes noires.

1 Que voulez-vous ?

3 … la dernière fois … vous nous avez dit de revenir quand on voulait…

1 Ah, oui. Excusez-moi. Je ne me rappelais pas de vous. Comme c’est gentil … (Il prend les fleurs que 3 lui tend et les met dans le vase sur le buffet).

3 Vous avez récupéré le vase ?

2 Incassables, les vases aujourd’hui.

1 (jetant un regard énervé à 2) Il est très vieux, celui-là. (à 3) Oui, je l’ai récupéré.

3 On vous dérange, peut-être.

1 Oui. Je me croyais seul. Mais si je vous ai dit de revenir, j’avais sûrement une raison. Asseyez-vous.

(2 et 3 se regardent, gênés.)

1 Vous auriez pu attendre.

3 C’aurait été pareil.

1 Vous me buvez comme de l’eau graisseuse, voleurs de rêves !

3 Ne te fâches pas ; nous ne saurions rien t’enlever de ta vitalité ; la partager, c’est tout. Quelle méfiance.

1 Tout va très bien merci.

2 Il est tard…

3 Ce n’est que le début, et j’ai déjà froid ! Où est 5 ?

2 (ton désabusé) Il faut que 4 arrive, comme à l’improviste, pour que 5 puisse apparaître…

3 C’est d’une complication.

1 (regarde de nouveau par la fenêtre) J’ai vu des gens mortes à l’intérieur, comme des dents dévitalisées… je n’y étais pour rien.

4 arrive

4 Bonjour !

1, 2 et 3 Bonjour 4 ! On t’attendait.

4 Ah bon ? Je ne savais pas que j’allais venir. Je suis venue tout à fait par hasard. J’ai hésité jusqu’au dernier moment. Mais me voici. Une envie incontrôlable de vous voir ; que j’ai failli dompter, je ne savais pas ….

2 Nous, nous le savions.

1 2) Comme tu es désagréable.

3 1) Il faudrait commencer à préparer le départ.

1 C’est vous qui allez partir. Ce n’est pas à moi de m’en occuper.

3 Vous vous trompez. Vous avez besoin de nous revoir, et avec un accueil aussi chaleureux il faut faire en sorte que…

1 Je vais partir avec vous. 5 peut rester, garder le tableau. Contre quoi, de toute façon, ça n’a plus tellement d’intérêt.

3 Sans ça, ce serait impossible de reconnaître le lieu, et nous ne nous retrouverions jamais.

1 Quelle horreur !

4 Calmez-vous, n’importe qui peut venir ici n’importe quand. Ce n’est pas un gardien qu’il nous faut mais quelqu’un pour faire l’accueil. 5 va rester. Comme s’il allait arriver quelque chose au tableau.

(Silence)

4 Les C.R.S. ne me font pas peur. On les reconnaît de loin.

2 Tu es venue de loin ?

4 De très loin, mais je n’ai pas de bagages.

3 Ça pue. Je n’ai plus aucun désir. Même 4 ne m’excite plus. Misère.

4 Quelle tranquillité ! Et tu le vis comme supplice. Je vous aime. Vous ne cachez rien et je ne vous comprends pourtant pas. Parlez, j’écoute.

3 Nous ne connaissons que la souffrance de l’imperfection, comme tout le monde. Et 5 qui va venir. Comment lui faire de la place dans cette purulence ? Il est trop aimable.

1 Il faut lui admettre un défaut.

2 Ou bien tous ses défauts.

3 On lui donne le rôle de l’esclave. S’il s’en acquitte bien, il n’est pas vraiment libre.

4 Alors donnons-lui le rôle d’un homme libre. Il tombera dans l’esclavage au lieu d’avoir à se hisser vers la liberté.

2 Quelle différence ? Les points de départ sont tous oubliés.

1 Les points de départ ne font qu’un avec les points d’arrivée. Ce sont des points. Tout le reste est flou. Il faut s’accrocher à des points, les relier, en faire des réseaux, des filets…

3 Tu es fou. Et nous avons besoin de toi. Quels points ?

1 Des pierres, des grains de sable, des explosions, des éclaboussures, des piqûres, des moments de certitude.

4 5 va venir. Nous avons une certitude. Est-ce un point ?

1 Non. C’est plus compliqué que ça.

2 Je voudrais être plus enthousiaste, mais j’ai du mal à me réchauffer.

1, 2, 3 et 4 Il faut changer le décor.

(Ils mettent des guirlandes par ci par là.)

(Ils se regardent longuement.)

1 C’est plus fort que moi.

(1 sort, se met à la fenêtre et les regarde de l’extérieur. Il sourit chaque fois qu’un regard croise le sien. 5 entre, va à SA place, ils se regardent tous les cinq, sans bouger. Ils se mettent à rire, se lèvent, se présentent avec des faux numéros, 1 toujours à l’extérieur. Ils se félicitent.)

5 J’ai réussi à rater le succès de mon échec.

3 Ça au moins, C’est clair !

2 Comme du cristal, chérie. Tu ne pourrais pas me faire le plaisir de nous aimer tous de la même façon ?

3 Il n’y a qu’un seul dieu. Le dieu du moment. Autrement ce serait impossible.

2 Impossible n’est pas français.

5 Indépendamment de nos goûts, on nous flanque une langue pour la vie. Pendant une éternité individuelle, nous voyons le monde à travers des catégories étroites comme les petites fentes des châteaux forts du Moyen-Âge, alors qu’il nous faudrait des panoramas, des French windows. Nous n’avons plus peur des flèches, bon sang ! Comment s’appellent-elles, ces petites fenêtres là ?

1 Des meurtrières.

4 Pourquoi est-ce que tu ne viens pas à l’intérieur ?

1 Je suis bien ici. (à 5) Alors, de quoi a-t-on peur aujourd’hui ?

4 J’ai peur de vieillir et de mourir.

2 J’ai peur de paraître ridicule. J’ai peur d’être seul pour mourir. Je n’ai pas peur d’être seul. Peur de me sentir seul. Rien ne bouge, nulle part.

1 C’est dans ta tête.

2 Cela ne change rien au désagrément.

4 Tu te sens seul avec nous ?

2 Un peu. Je me sens inférieur. C’est peut-être mon physique, ou mes capacités intellectuelles, qui en sait plus que moi ?

5 Tes soucis ne nous concernent pas. C’est à toi de les résoudre.

2 Vous avez raison. Je suis foutu. J’ai pris le goût de l’indolence. Partez sans moi. Je vais vivre et mourir, sans avoir pensé un seul instant à quelqu’un ou à quelque chose qui ne me concerne pas, moi. Salauds !

1 Pourquoi ?

2 Nous n’avons pas les mêmes billets d’entrée.

1 Nous allons tous aux mêmes spectacles.

5 Pour éviter de regarder ce que nous sommes, et ce dont on est capable.

1 Tout ce qui existe a été fait par nous …

5 J’ai épousé le cosmos …

1 Nous, on t’a fait.

5 C’est comme ça.

1 Oui, c’est comme ça.

5 J’étais comme vous, avant. Tout seul je ne me trouvais pas une raison d’exister. Mais puisque vous l’aviez voulu ! Comme c’est agréable, les gens qui vous mangent dans la main, qui boivent vos paroles. Mais comme cette solitude là est insupportable, une vie invivable, une hypothèse - quelqu’un de peu fiable mais d’irrésistible …

3 Rien n’est irrésistible …

5 Alors arrête de m’écouter. Met fin à mes mots.

3 Ils viennent de naître. Donne-leur le temps de vivre, de se sentir un peu mieux …

5 Un peu plus, un peut plus longtemps, un peu plus lentement avec un peu plus de conviction, et c’est bon. C’est ça ?

3 C’est ça. Mais quand ça s’arrête je ne regrette pas, car il lui faut du temps pour renaître, mon désir écrasé. Du temps. Je t’écouterai longtemps si tu veux parler mais je ne t’y oblige pas. Je t’y invite.

5 Tu m’y invites, tu m’y invites, où ? Où est-ce que tu m’invites ?

3 Mais … A parler, voyons. A faire monter la tension par n’importe quel moyen, une parole, un geste, un son, inattendu mais déjà aimé.

1 Plus fort.

3 (A 1) Je n’ai pas le courage de défaire une muraille de Chine. C’est trop long. Je changerais d’avis avant la fin et la ferais reconstruire. Il faut quelque chose de plus facile. De moins irrévocable. J’ai du mal à soutenir le ton, car tu ne fais pas d’effort.

1 Je n’ai pas d’efforts à faire. Je SUIS aimable. Je le sais. Et j’aime les difficultés des autres. Je ne peux pas t’aimer.

3 Je ne peux pas choisir qui j’aime. Je te fais confiance mais je n’ai aucun moyen de vérifier.

1 Pourquoi veux-tu vérifier si tu me fais confiance ?

3 Parce que je voudrais en être absolument sûre.

1 Je te l’ai dit.

3 Tu peux toujours changer d’avis. Les hommes font souvent ça.

1 Laisse-moi tranquille.

3 Tu voulais que je revienne.

1 5 Tu n’as pas répondu à ma question.

5 On a peur de s’être trompé de chemin. On a peur que nos buts soient trop lointains. On a peur d’être déçu, et de décevoir. On a peur du temps qui efface lestement nos projets passés et nos amours ardentes. On a peur du monstre tapi au plus profond du labyrinthe qui veut détruire, se détruire. On a peur du sevrage. Peur du miroir. Mais pour dire tes peurs à toi, il faudrait que j’énumère toutes les peurs imaginables et inimaginables, et tu ne laisserais pas apparaître sur ton visage de marbre lesquelles étaient bien les tiennes et lesquelles tu as depuis longtemps dépassé, tu ne me comblerais pas en m’inventant de nouvelles qui me sont encore inconnues, car je les ai vues toutes, de la peur de naître jusqu’à la peur de mourir, en passant par les angoisses mineures, d’être de ce monde et de ne pas en être, d’être aimé et de ne pas pouvoir répondre à l’amour de l’autre, d’aimer et de se voir refusé par celui que l’on aime, la peur de perdre l’amour qui est sa raison d’être. Celui-là, s’il nous faisait défaut ! On a peur de rien. On a peur de tout. Peur de l’absence de dieu, et peur de se mettre à sa place. Peur de ne plus avoir peur du tout ! Comment orienter ses actes sans paramètres ! Comment vivre si la mort ne voulait rien dire ! Alors il faut lui accorder sa place, parmi nous, en creusant toujours un peu plus profondément pour que le gouffre soit toujours gouffre, pour que le bien soit séparé du mal sans que l’on puisse s’y tromper, pour que tu sois conscient du moindre mouvement autour de toi et en toi, du moindre changement de position vis-à-vis de nous et de l’ordinateur, car il n’y a qu’une seule manière de comprendre quelque chose et c’est de se mettre dedans, il faut être un pas en avant du moment.

(Pendant qu’il parle, les autres (sauf 1) partent. 4 part sur « se détruire ». 2 part sur « peur du sevrage ». 3 part sur « peur du miroir ». 1 reste là. Quand 5 arrête ils s’embrassent. 1 pleure. Un réveil sonne.

1 Je n’ai pas le temps de te répondre.

5 Alors il faudrait essayer de faire en sorte que ça dure plus longtemps.

(Ils sortent)



Plus tard. Même décor, avec en plus un ordinateur. Chaque fois que l’un des cinq parle, l’ordinateur imprime, et le rouleau de papier descend hors de vue.

Les mêmes personnages.

1 J’ai voyagé. J’ai été dépaysé. Mes amours ont évolué.

2 J’ai réfléchi. J’ai appris. Je n’ai rien trouvé. Je suis plus vieux, c’est tout.

3 J’ai aimé. J’ai souffert. J’ai travaillé, je n’en suis plus au même point. Et pourtant …

4 J’ai couru. J’ai essayé de rattraper mon retard. Je ne fais les choses qu’au bon moment, maintenant. Je m’encadre. Je me retiens.

5 J’ai attendu. Beaucoup attendu. Je ne sais pas si c’est de la patience, de la passivité, de la paresse. Marrant, ces mots là commencent tous les trois avec « p ».

1 Toujours l’impression de paix, quand on ne fait rien.

4 dans le silence.

2 et le calme.

3 Je voudrais connaître votre paix. Mais je ne veux pas de cette paix là. Je voudrais que les choses bougent. On ne peut pas faire bouger les choses, assis dans des fauteuils.

1 Alors, qu’est- ce que tu nous proposes ?

3 Je n’ai rien à proposer. C’est bien pour ça que je me suis assise avec vous. Il faut trouver quelque chose ensemble.

1 Ensemble. Que c’est mignon !

4 Je te ferais constater que nous avons dépassé l’envie de fuite.

5 C’est vrai. Nous attendons tous quelque chose de ce pow-wow, que l’on se l’avoue ou pas. La machine ne tombera malheureusement pas en panne. Il n’y aura plus de vacances.

2 Et quelles choses veux-tu faire bouger ?

3 Toi, tes questions m’énervent à tous les coups.

1 Quelles initiatives voudrais-tu qu’on prenne à ta place, ou « ensemble » comme tu dis ? Dans quelle direction veux-tu nous amener ?

3 Chacun suit son chemin. Et puis on se voit, pour en parler, et les mots manquent à leur but, sonnent faux, on ne peut rien faire sans se fâcher

4 Tu es bien incapable de te fâcher. Rien ne vaut ta belle colère. Tu la gardes précieusement pour toi-même. Nos limites sont plus près.

5 Arrête de nous attendrir. Ce n’est pas le moment. Ne m’écoutez pas. Je suis jaloux. Moi non plus, je ne sais pas me fâcher. J’attends. Mais mon attente dérange. Il y a toujours quelqu’un qui voudrait que j’agisse. Plus ils veulent, moins j’ai envie…

1 (A 3) Essaie d’en parler. On comprendra peut-être.

3 Je ne comprends pas moi-même. Je veux être avec vous, c’est tout. Mais pour construire quelque chose avec vous.

4 Quoi par exemple ?

3 N’importe quoi, pourvue que ça nous survive.

1 Quelque chose d’éternel, d’indestructible ?

3 Oui ! C’est ça. Alors ?

1 Un monument ?

4 Il y en a déjà plein partout. Et il faudrait un bout de terrain ferme, qui ne risquerait pas de devenir autoroute.

3 Pas de monument alors

1 Je suis vraiment désolé. Quelque chose de moins ostentatoire, peut-être ?

5 Ne vous cassez pas la tête, il n’y a pas 36 solutions. La dernière fois, vous m’aviez fait, moi. Je dois vous survivre. C’est drôle, mais je ne me sens pas plus jeune que vous. J’ai trouvé la raison pour ma passivité ! Je suis trop jeune ! Je n’ai pas encore commencé à me comporter en adulte. C’est réglé. Votre monument vivant.

4 Non. Indestructible. Toi, tu peux mourir d’un instant à l’autre. Ça arrive.

1 Il faut trouver autre chose.

2 Autre chose

5 Nous allons réfléchir, chacun de son côté, et puis la prochaine fois…

1 Il n’y aura peut-être pas de prochaine fois.

5 Pourquoi ?

1 Enfin, on ne sait jamais, mais nous ne pouvons pas en être surs

5 Nous sommes à peu près certains. Ça ne suffit pas ?

1 Non. Ras le bol d’à peu près.

5 Alors cherchons.

1 C’est ça.

3 Ensemble.

4 Où ?

2 Comment ?

5 Pourquoi ?

3 Tu as autre chose à faire ?

5 Je peux bien vous accorder un peu de mon temps. Cela me changerait de l’attente. Mais je vous rappelle mon extrême jeunesse. Je devrais être en train de jouer.

1 Tu joueras après. Ou, vas-y, si tu en as vraiment envie, car tu nous en voudrais après.

2 On ne répond jamais à mes questions.

3 Tu ne les poses pas comme il faut.

2 Ah. Ce n’est que ça.

1 Oui, tu as compris maintenant. Si tu veux apprendre à 5 à jouer, tu peux.

2 Je n’ai pas envie d’être père.

4 Je ne peux pas, je suis une femme.

3 Si on en avait plusieurs, ils joueraient ensemble.

1 ensemble’ - tu n’as que ce mot à la bouche. Ils se battraient plutôt.

3 Tu crois ?

1 Je ne sais pas. On peut essayer si tu veux. Mais tu disais que la terre était déjà surpeuplée.

4 Vous laissez passer les pires contradictions. Elle a dit qu’elle voulait faire bouger les choses, et quand on lui a demandé plus de précisions elle a dit qu’elle voulait construire quelque chose d’inébranlable. On ne peut pas accepter une incohérence pareille.

1 Pour construire il faut mobiliser des forces …

4 Si c’est pour les immortaliser dans une nouvelle rigidité je ne vois pas l’intérêt.

3 Elle a raison. D’abord, il faut tout détruire. Ou au moins détruire un tout petit truc.

1 Tu veux détruire un « tout petit truc » pour faire de la place à ta construction « monumentale » ?

3 Notre … je ne pensais qu’à la durée. Je n’avais rien pensé à propos des dimensions. Il faudrait même pouvoir s’en passer. Il y a de moins en moins de place. Il faut que ce soit sans dimensions.

1 Insaisissable.

4 Ha ! Indestructible puisque inaperçu. Ça devient de plus en plus drôle.

2 Heureusement.

3 Non, mais ! Excusez-moi. J’avais envie de dire « non, mais ».

1 Exprime-toi, nous t’en prions.

2 Je ne poserai plus de questions qui t’importunent, je ne te serai plus désagréable, je m’effacerai, afin de mieux te connaître, je t’écouterai, je pèserai tes mots avant de répondre…

3 Mes mots ne valent rien. Ce ne sont que des mots. Des petits bruits de soulagement, des ‘trompe la solitude’ qui ne trompent personne sauf toi. C’est bien pour ça que je te méprise. Je te méprise parce que tu ne les méprises pas, tu les trouvent admirables, chargés de délices, pleins de signifiances, sculptés de nuances, virils à féconder la langue entière de A à Z : voilà ce qu’il nous fait faire, l’amour. Il nous fait croire à des conneries ! Il nous oblige à déchiqueter son cadavre presque jusqu’à en ronger les os en croyant au trésor caché ! C’est trop. On se nourrit de déchets et puis on s’effondre, affamé, à bout de forces ; écoute 1, il en sait plus que nous tous.

1 Et je n’ai pas besoin de le dire. Je le vis, c’est tout. Je ne peux toutefois pas y échapper, à l’imprimante, mais je parle par plaisir. Non pas par besoin. Et certainement pas par une espèce de foi mal placée en un quelconque enchaînement court-circuitaire : ce sont les images qui durent, non pas les mots.

3 Les mots créent des images. Servent à les reconstituer. Tu ne peux pas t’en passer.

1 Je ne veux pas m’en passer, je veux m’en servir autrement, c’est tout. Pour toi, les mots viennent d’abord. Pour moi, ils viennent après, et sont insuffisants à eux seuls.

5 Il a raison. Il aurait fallu faire un film.

2 Quelle joyeuse idée. Dommage que nous n’avons pas de capital : j’y mettrais tout mon argent, si j’en avais. (il regarde 5 avec malice)

5 Je vous ai donné mon appellation pour titre.

3 Nous ne t’avions rien demandé. (A 1) tout est lié : l’image, l’ambiance, le mot ; il n’y a pas d’ordre, tout vient en même temps, sans hiérarchie, il faut le prendre par n’importe quel bout …

1 Alors vas-y. C’est tout ce que je trouve à te dire.

5 C’est déjà pas mal. (A 3) ne pleure pas, il aurait pu te dire d’arrêter.

3 Oui, il aurait pu me dire d’arrêter. Mais son ton est tellement près de l’indifférence … je ne peux pas y croire toute seule … je l’aime. Il doit me mépriser comme je méprise 2. Nous voilà bien avancés.

4 Ce sera pour la prochaine fois …

1 Il n’y aura peut-être p…

4 Tu joues bien ton rôle, toi.

1 Merci.

4 Je t’en prie.

1 C’était pas mal non plus, ton arrivée sur scène.

4 Merci. Ca fait toujours plaisir.

2 Il y a trop de mots.

5 C’est ça. Les mots ne prennent pas de place.

1 Laissons venir l’éternel !

2 Ça me fait bizarre, d’être un dépôt de l’infini.

5 Tu te trompes. L’autre bout du rouleau est déjà ailleurs.

4 Je me suis trompée de lieu. Je voudrais être là où il va.

1 C’est émouvant. Je suis tout attendri. Je sens la force irréductible de ma sensibilité créatrice.

2 Moi, je ne me sens pas bien du tout. J’ai le vertige de tout ça. Je n’ai pas de force. Je ne peux plus être un barrage contre l’infini. Je vais m’en aller. (Il sort)

1 et 5 sont contents d’eux. 4 a le cul entre deux chaises. 3 se lève, embrasse les autres, et suit 2 sans rien dire.

1 Je ne sais pas si je suis triste qu’ils soient partis ou content d’être avec vous deux. Il n’y a que le temps qui nous importe. Sans eux nous pouvons aller plus vite.

4 Oui mais pas n’importe où, n’importe comment.

5 Seul le mal est une perte de temps. Si 2 et 3 voulaient rester avec nous, nous n’avons rien fait pour les retenir. Je ne savais pas s’il fallait les retenir ou les laisser partir. En ne faisant rien nous avons peut-être fait du mal.

4 S’il suffit de ne rien faire pour faire du mal nous n’en sortirons jamais. Il faudrait revoir tous nos critères.

1 Et si nous décidons qu’il aurait fallu les retenir quelqu’un irait les chercher.

4 C’est trop beau. Si ça marche, je ne vois vraiment plus où se situe le problème.

1 Ne peut-on pas vivre des petits instants de paradis ?

5 Il a raison. L’enfer est insupportable en permanence. Le paradis aussi. Faut sauter de l’un à l’autre. Se retrouver dans le mouvement entre les deux.

4 C’est tout ce qui t’intéresse toi, te retrouver.

5 Et toi, tu aimes peut-être les autres plus que ta propre personne ?

1 On ne peut pas séparer les deux. On voit les autres comme on se voit. Si on arrive à se situer, c’est par rapport à eux.

5 Tu veux dire par rapport à 2 et 3 ou par rapport aux autres que nous ne connaissons pas ?

1 On peut commencer par eux. Et puis peut-être que d’autres vont arriver et repartir, et nous serons mieux armés. Et puis nous pouvons nous diriger vers d’autres encore, et ainsi de suite, jusqu’à se retrouver encore seuls ou à deux ou à trois ou à dix mille ; et 5 fois tout ça, sans jamais quitter le lieu sûr de la curiosité, du vouloir universel, du bonheur d’exister.

5 … malgré l’impossibilité d’être autre chose que soi-même …

4 en quête d’un autre soi-même …

1 plus perfectionné…

4 plus fort …

5 et plus loin dans tout ça …

1 On les invite ou pas ?

4 Elle est trop en demande. Il est trop effacé. Mais on peut les supporter un petit moment, si cela ferait tellement plaisir. Ils se sentent peut-être seuls, délaissés …

5 Tout le monde m’aime. Eux, ils m’aiment.

1 Tu veux les voir ou pas ?

5 Non. Je me suffis à moi-même.

4 Si c’est vrai, que fais-tu ici ?

5 Je ne suis pas encore parti. J’attends qu’un élan intérieur impérieux m’entraîne ailleurs. Mais je suis totalement présent.

1 Il est beau. Gardons-le.

4 La question n’était pas là.

1 5 ne veut pas les inviter. Alors, ce n’est plus la peine d’y penser. Nous ne pouvons tomber d’accord que sur ce non. Il faut passer à autre chose.

4 Si nous en avons suffisamment envie, nous pouvons facilement le persuader que ce serait un bien pour l’humanité.

1 Tu le penses naïf à ce point ?

4 Non, mais je le sais sensible aux souffrances. Si nous décidons qu’ils souffrent de ne pas être avec nous, il faudrait faire l’invitation.

1 Si nous décidons que nous pouvons amoindrir leur souffrance sans en accroître la notre. Nous ne savons pas si nous voulons vraiment les voir.

5 Il a raison. J’ai dit non parce que c’est le premier mot qui m’est venu. Ce n’est peut-être pas le bon. J’ai envie …

4 Oui ?

5 J’ai envie de partir, de rester, de les voir, de ne pas les voir, de rire, de pleurer, de jouer avec vous à l’amour.

4 Tu es incorrigible. Faisons un enfant.

1 Et puis, nous les invitons pour annoncer la nouvelle.

5 Je ne veux pas faire d’enfant tant que je n’aurai pas percé les mystères de l’existence.

1 Lesquels te font défaut ?

5 La direction.

4 On croît. Il faut croire. Pousser, aller de l’avant, progresser, tout ça me semble évident.

1 Et puis, l’enfant ne serait peut-être pas de toi.

5 Je l’aimerai comme s’il n’y avait pas de doute. Je le ferais mien.

1 Moi aussi.

4 Ça risque de poser des problèmes plus tard.

4 Comment les inviter alors, et pourquoi ?

1 Et si on trouve ça, on a déjà résolu le problème de « si » ?

4 C’est exact.

5 Réduire la souffrance à un minimum, et augmenter le plaisir.

4 On peut le faire naturellement.

5 Naturellement ! Elle dit toujours ça quand elle veut travailler les yeux fermés ;

1 Je comprends bien, mais où mettre les limites ?

5 La limite, c’est ce que nous sommes capables de leur faire.

1 Et on cache la souffrance où ?

5 On verra bien. Le silence tiendra lieu de prison de la douleur…

4 Ça me dégoûte un peu.

1 On peut toujours essayer. Ta façon est peut-être la meilleure.

4 Je voudrais le croire. Car je ne peux pas la changer. J’écris mes invitations de plus en plus vite, et je ne suis pas triste si elles ne sont pas retenues. Il y a une grande fête cet été. Tout débordera. J’aime les fêtes.

5 Alors on les invite à la fête ?

1 Non. Pas en ce moment. Pas ici. Juste une invitation. Une petite fête à cinq.

5 5 n’est peut-être pas un bon nombre.

1 Tu devrais le savoir. Tu es le cinquième.

5 D’accord. Mon anniversaire. On peut bien inventer ça, puisque vous avez magouillé ma naissance.

4 Il est charmant, ce garçon. On va voir si tu fais mieux.

1 Ce n’est pas un concours.

4 On dirait. Un concours que personne ne gagne.

5 Parfait.

4 (A 1) Il est bizarre par moments, tu ne trouves pas ?

1 Si, j’adore ça. Alors, tu ne veux rien gagner, 5 ?

5 Rien. Je préfère perdre. C’est moins amer, à la fin.

1 C’est parce que tu n’as jamais gagné que tu dis ça. Je t’assure. On y prend goût.

5 Cela ne veut rien dire. Tu es exactement comme moi. Je n’ai pas peur de ta différence ; je la connais. Elle me fait souffrir. Elle me fait réfléchir. Je me jetterais du haut d’une falaise dans l’espoir de l’amoindrir, s’il me restait même cet espoir là. Je vous aime. Invitons les. On sera seul à d’autres moments.

4 Je n’ai jamais été vraiment seule. Je l’ai été, par moments, mais dans ma tête, ce n’était pas comme ça. Je me vois avec des hommes, toujours. C’est difficile des fois, pour penser, pour trouver comment je pense, moi, d’avoir des présences en permanence.

5 C’est facile de s’isoler.

4 Pour toi, peut-être. On t’aime.

5 Commence pas, tu sais que tu es très aimée aussi.

4 Oui, mais pas de la même façon.

1 Qu’est-ce que tu veux ?

4 Tout.

5 On ne peut jamais tout avoir. L’existence cesse au bord du tout.

1 Mais lequel, celui le plus près de nous, ou l’autre, une fois qu’on l’a connu ?

5 Ça doit être l’autre. Alors tout est possible.

4 L’invitation. Je peux la rédiger pendant que vous discutez. J’aime aider les gens à travailler, donner de l’espace aux élans libres.

1 Nous voulons le faire ensemble.

4 Quoi ?

1 Rédiger l’invitation.

5 Je pensais que tu allais dire autre chose.

1 Oui, j’allais dire penser avec nous mais je n’étais pas sur que tu voudrais, que 4 voudrait ou pourrait, alors je n’ai rien dit.

5 Moi, je dis mes silences. Je donne l’enchaînement de mon idée du début jusqu’à la fin. Je ne présente pas à mon interlocuteur un petit bout de sens tiré d’un chapeau comme un lapin, voilà, ce qui m’est venu comme par magie, je n’ai strictement rien fait pour conduire ma pensée jusqu’ici ! Tu parles !

1 Je tente de le faire, comme tout le monde. J’y arrive moins bien que certains.

4 Je n’ai jamais entendu que vos voix, et les voix de 2 et de 3, de toute ma vie. Quand je suis arrivée du dehors, j’avais l’impression que je venais ici comme dans un lieu parmi tant d’autres que j’aurais pu choisir. Me voici quelque temps après avec la sensation très forte que je n’ai jamais été ailleurs qu’ici avec vous. Sauf à un moment donné, avec 2 et 3, car je les aime bien, surtout 3, et puis 2 n’est pas désagréable, c’est tout ce que je trouve à dire a son sujet sauf que ce serait bientôt comme s’ils n’avaient jamais existé pour moi, si on ne les invite pas. Ou peut-être je me les rappellerai aussitôt, la prochaine fois que je les vois.

1 Il n’y aura pas … Je voudrais savoir où tu te situes par rapport au tout, et tu dis que tu ne conçois pas d’autre existence en dehors de nous deux.

4 Je la conçois, très clairement, je la vois sous mes yeux en permanence, mais je ne sais pas si elle était rêve ou réalité. Je ne sais pas ce que j’ai pensé et ce que j’ai fait. Je ne sais pas ce que j’ai vu et ce que j’ai voulu voir, c’est tout.

1 Tout ?

4 Peut-être pas ton tout à toi. Le tout est de s’en apercevoir.

1 Qu’en penses-tu, 5 ?

5 Lâche. Pourquoi n’as-tu pas essayé de répondre ?

1 Pas le temps. Je me sens horriblement éphémère, sur le coup.

4 Je te fais peur.

1 Oui, tu me fais un peu peur, en ce moment, je l’avoue. Je ne sais pas si j’ai envie de te tuer ou de te mettre dans une cage mais tu ne m’es pas indifférente.

4 Je n’ai jamais l’intention de faire peur aux gens. Mais je me fais un peu peur moi-même, alors ce n’est pas étonnant. Ou du moins, je ne sais pas ce que je pourrais faire pour y changer quelque chose. Je n’aime pas que l’on m’étouffe. Je n’aime pas être avec vous tout le temps.

1 Parce que nous ne nous intéressons pas au même sujet.

4 Ça doit être ça. Et pourtant, il était question de l’invitation. Mais c’est vrai que j’ai du mal à vous suivre, par moments, et vous n’aimez pas ralentir pour me permettre de participer à ma façon.

1 Parce que tu ne gardes jamais le fil de ce que nous sommes en train de chercher. Tu t’en fous. Tu veux tout simplement courir le plus vite possible, sans t’assurer de tous les pièges, et tu tombes dedans, et nous voici dedans, loin de là où nous voulons aller.

4 Et pourquoi pas, Messieurs ? Faut-il toujours vous suivre aveuglément vers vos buts déclarés, comme s’ils vous protégeaient de toutes les autres possibilités d’une situation riche à l’extrême ?

5 Il y a une différence entre être perdu et être quelque part.

4 Tu peux peut-être me l’expliquer, s’il te plaît.

1 D’où viens-tu, que tu ne sois pas capable de le sentir, quand nous pouvons et quand nous ne pouvons pas, jusqu’où nous pouvons et jusqu’où nous ne pouvons pas, le oui et le non.

4 Qu’est-ce que cela veut dire, « non » ?

1 Cela veut dire, 5, aide-moi je n’y arriverai pas tout seul, cela veut

5 dire l’absence totale, le néant, le non vouloir, la négativité, la mort, par exemple, ou une syncope ou un frémissement avant coureur.

1 Cela veut dire je ne veux pas, je ne peux pas, je ne crois pas, je ne pense pas, je n’aime pas, j’ai une autre idée, plus forte, plus intéressante, une meilleur idée, une idée qui me fait plus plaisir que la tienne.

4 Il va falloir que je réfléchisse à tout ça. C’est comme un nouveau monde, un monde avec une règle nouvelle, mais une règle si stricte, que je ne me sens pas capable de la respecter. Je dirai tout ce que j’ai à dire, sans flatter mon destin, car nous aimons la franchise.

5 Il y a franchise et franchises.

4 J’aime tout ce qui est interdit et tout ce qui ne l’est pas. J’aime tout ce qui est permis et tout ce qui est. Je vois les gens dans l’argent et je vois les gens dans le métro. Je vois les gens dans l’ordinateur et je vois les gens dans le chômage. Aucune force ne relie tout ça. Il faut se souvenir de tout et tout imaginer afin de comprendre pourquoi il en est ainsi et de dire il devrait être autrement, comme s’il n’y avait pas de non ; il n’y a que des « oui, mais » et des « …

5 Des guillemets ouverts. Pourquoi se fatiguer à les remplir ou à les fermer ?

4 Le tout ou l’invitation. J’aime 3. Je peux tout faire pour elle, même vous séduire. Vous mépriser.

5 J’ai trop vécu. Je parle avec les morts et je regarde leur lune. Il n’y a que la danse. Mon âme est dans le fleuve noir et 3 n’y a trempé que quelques fleurs pour 1.

1 Les mots n’ont jamais manqué. (à 4). Tu voulais être « ailleurs », là où le rouleau arrive. Mais la machine a tout en elle et elle est reliée à tous les autres rouleaux quels qu’ils soient.

4 Penses-tu m’aimer bientôt ?

1 Oui. Bientôt.

4 Alors les mots ont fait ce qu’ils avaient à faire. Ils nous ont emmené au seuil du silence.

5 Au carrefour des communications métaphysiques.

1 Et la prochaine fois il n’y aura pas de mots du tout.

4 Qu’est-ce qu’il y aura ?

1 Rien. Rien du tout. Ou bien, la même chose. Et nous ne supporterions pas la même chose.

4 Pourquoi pas ? Puisque nous voulons être ici, puisque nous sommes bien ici, tous les trois, la répétition n’a plus rien de menaçant.

5 L’ordinateur a été programmé depuis longtemps.

1 Oh ; heureusement que j’ai fait de l’informatique. Vous désirez … ?

4 Tu penses à tout.

1 Oui. Fréquemment. Et puis j’ai des oublis.

5 À côté de tes haines ?

1 Oui. Et vous ?

4 Je ne sais pas si j’en ai. Je ne pense pas en avoir. J’ai des …

5 …moi, je n’en ai pas…

4 …j’ai … des… des…

5 Des quoi ?

4 …des limites. Ça fait du bien, de dire ses limites.

1 Tu as dit que tu en avais, tu n’as pas dit où elles étaient.

4 C’est pareil. Je veux dire, il y en avait une, là, il y a un moment. Je l’ai dépassé. Je suis contente. (Elle regarde 5).

5 Tu es contente.

4 Oui. De toute façon, l’invitation n’aurait servi à rien. Nous ne savons pas où ils sont.

1 Bravo !

5 Ils sont déjà loin. C’est parfait. Il ne me reste qu’à …

1 Vas-y, celui qui n’a ni silences ni oublis, vas-y, jusqu’au bout de ta phrase, pourvu qu’elle soit belle.

4 Pourvu qu’elle soit forte !

1 Et plus nous t’empressons de parler, plus tu éprouves des, comment dirai-je, des difficultés ! Ha ha ha !

5 Imbécile. Plus vous me priez plus vous me laissez le temps de l’arranger à ma guise. Il ne reste pas grand-chose du premier jet vénéneux. Cela revient au même. Cela revient toujours au même. Pour moi, vous n’avez jamais été là, de la façon dont je suis là pour vous.

1 Tu ne peux pas nous oublier.

5 Je n’oublie rien. Je n’ai jamais rien oublié. C’est bien pour ça que je suis prisonnier de ma liberté. Rester et partir ne veulent plus rien dire. La beauté et l’intelligence non plus. L’appétit vient en mangeant. La curiosité est inassouvissable. La votre, et la mienne. Elles ne peuvent pas coïncider dans leurs objets tant que les objets restent séparés.

1 De quelle séparation parles-tu ?

5 De la grande.

1 Bien sûr. De la grande.

4 La grande. Bien sûr.

(Des lueurs roses se font voir au loin. Rythme doux sur des congas.)

1 Regardez, c’est l’aube.

4 Il n’a pas fait froid. C’est curieux.

5 Ce n’est pas l’aube. C’est le crépuscule.

1 Mais il n’a pas fait jour.

5 Il va falloir que vous vous habituiez à ça, si vous tenez absolument à rester avec moi.

(1 et 4 se regardent, effrayés)

(5 se met à danser, lui-même, et s’éloigne des deux autres. 4 prend 1 par la main et tente de l’entraîner dans la direction de 5. 1 résiste. 4 se décourage et laisse tomber. Puis 1 la prend par la main et fait la même chose. Ils avancent ainsi, petit à petit, tant bien que mal.)

FIN